Et si on discutait le bout de gras
L’endroit a pignon sur rue depuis un bon moment, et personnellement, je n’y avais mangé que le soir. Le nom de cette place forte du goût m’a toujours inspiré lorsque je voulais quelque chose de vrai, d’entier et qui tienne au corps. Une cuisine de bistro traditionnelle. Mais avec un petit twist créole orchestré par son chef Laurent Balancy.
Tous ceux qui y ont goûté vous recommanderont les spécialités de la maison: le cassoulet créole, le rougail saucisse (pour les chanceux qui passaient par là quand c’était à la carte) ou une bonne entrecôte de bœuf Wagyu maturé. Le tout servi dans le cadre convivial et préservé d’une ancienne boucherie arborant ses faïences bleu et blanc sur les murs de la salle à l’avant. A l’arrière, la cuisine, un comptoir où l’on peut manger et quelques autres tables près des bouteilles de vins nature.
On pourrait s’arrêter là et attendre notre première grosse envie de gras réconfortant ou les premiers frimas pour rassembler les copains et réserver sa table.
Ce serait dommage, car vous passeriez à côté de belles surprises.
Pour moi, une des meilleures façons de tester un endroit, c’est d’y venir prendre un lunch. C’est souvent dans cette formule entrée-plat que se concentrent l’intelligence et l’inventivité d’un chef. Comme le prix se doit d’être attrayant, il n’y a pas d’autre choix que de travailler avec des produits de saison et de les marier créativement pour laisser s’exprimer l’identité d’une cuisine.
Quand une amie m’a proposé de choisir un endroit entre la Bascule et Flagey, j’ai tapé au milieu dans le quartier du Châtelain et je me suis souvenu du Bout de gras où je n’avais encore jamais testé son lunch à 19€.
On a démarré avec une (autre) spécialité du chef qu’il prépare à merveille et qui ouvre l’appétit comme rien d’autre: la croquette de pied de porc. Avec une panure bien croquante, résistante comme il faut, et une farce aux morceaux de pied de porc rassemblant toutes les textures soyeuse, grasse, cartilagineuse, ferme, tendre que les amateurs y recherchent. En garniture, des lanières de carottes et de céleri rave au curry, habillées d’une pousse de pois et d’une cuiller de moutarde.
Pour se dégraisser les papilles et réveiller les sens déjà bien flattés, la serveuse nous recommande un Riesling nature Y’a plus qu’à de la maison alsacienne Kumpf & Meyer. Un conseil des plus judicieux d’autant que le plat qui suivait serait lui aussi mis en valeur par cet assemblage délicat d’Auxerrois et de Sylvaner.
Débarquent alors nos assiettes où trône un filet de cabillaud nacré à la peau bien craquante, accompagné de quelques pommes grenailles cuites au four et… de ces fameux bolets bleuissants. Des cèpes qui lorsqu’on les frotte ou les coupe se mettent à bleuir. Après cuisson, il n’y paraît plus du tout. Ici aussi, c’est une question de texture qui m’a séduit. Ces champignons étaient juste parfaits, fermes et tendres à la fois, et légèrement gélifiés grâce à la graisse de cochon dans laquelle ils sont revenus.
Je n’ai plus assez de lignes pour vous parler des desserts mais, en deux mots, le sabayon, ou plus exactement l’unique cuiller de sabayon que ma sœur de table m’a tendue était sans doute l’une des meilleures que j’ai jamais mangée.
Cela dit, mon moelleux au chocolat et sa quenelle de glace vanille de la Réunion n’ont pas fait long feu non plus.
Encore merci Marina pour ce précieux bout de gras d’anniversaire.