Journal du front des identités culinaires
Avez-vous déjà remarqué combien on est davantage "cérébralement" disponible quand on est en vacances ? En tout cas, pour moi c’est le cas. J’étais donc en Corrèze cet été, et de passage à Saint Yrieix La Perche pour faire quelques emplettes dans une boutique incroyable recommandée par nos hôtes et tenue par une petite dame aussi hyperactive que commerçante (j’en ferai un petit papier pour ceux que cela intéresse). Après nous être délestés de quelques plusieurs dizaines d’euros, on décide de prendre un verre en terrasse pour nous remettre de ce trop-plein d’odeurs et de culpabilité consommatrice de produits locaux (vous savez, ce genre de crise d’achat compulsif de fromages, d’épices, d’herbes, d’orangettes et de calissons à laquelle on cède quand on a l’impression qu’on ne reverra plus jamais ces spécialités de notre vie). Bref, on allait s’installer quand on remarque que le soleil n’a pas encore atteint la table et les chaises où nous comptions nous asseoir et que notre regard croise la vitrine d’une petite librairie appelée Les Oiseaux Livres. Les deux Sophie que j’accompagnais aussi patientes et sages que frileuses proposent alors d’aller tous y jeter un œil en attendant les rayons réconfortants de Râ.
Quand on n’attend rien d’un endroit, les surprises qu’on y découvre sont d’office agréables. Entre autres, on y a évidemment déniché quelques occasions de gâter nos proches, mais aussi des livres "de vacances" sur le bien-être mental personnel et surtout un petit livre de 141 pages à la couverture plutôt vilaine (mais ça c’est subjectif) trouvé par ma tendre et douce.
Mon appréhension sur cette couverture passée (je suis en effet cérébralement disponible souvenez-vous), je lis le dos de couverture qui finit par me convaincre tout autant qu’il a convaincu Sophie que le sujet m’intéresserait.
Comme la plupart des livres que j’achète en vacances, je le laisse de côté jusqu’à mon retour (et oui, j’en ai bien sûr sélectionnés d’autres avant de partir que j’aurai à peine le temps de lire).
C’est donc bien plus tard à Bruxelles que je retrouve le livre de Tommaso Melilli sur une pile posée sur la table du salon. Dès les premières lignes, je sens que je vais passer du bon temps.
Ce chef italien dont je n’avais jamais entendu parler est un génie. Il écrit (en français) comme il parle. Il est drôle, altruiste et émouvant. Ses lignes racontent la cuisine, la sienne, celle des autres, de sa mère, de sa terre natale, mais aussi d’ailleurs ou d’autres temps. Son récit, dans lequel il distille quelques recettes appétissantes et accessibles parle de cuisine donc, mais aussi vous l’aurez compris vu son sous-titre, d’histoire de la cuisine, des hommes et des femmes qui l’ont faite et qui la font, d’ingrédients, de techniques, de géographie, de philosophie, d’humanité attablée et nourrie depuis la nuit des temps.
C’est documenté, agréablement anecdotique, contemporain, analytique, justement critique et terriblement ludique.
Spaghetti Wars se vit et s’apprécie comme une discussion de fin de repas en été avec un ami cher, chef de surcroît. Les pensées qu’il nous livre dans ce premier ouvrage nous donnent furieusement envie de connaître le cuisinier, l’humain, l’être éclairé, mais aussi et bien sûr le désir de goûter sa cuisine autant que de cuisiner soi-même.
Une véritable trouvaille, une petite perle inespérée, un trésor à partager comme un vrai bon repas.
Spaghetti Wars - Journal du front des identités culinaires, de Tommaso Mellili.
Editeur: Nouriturfu – Collection : Le poing sur la table
Prix: 14€